Le 21 octobre 2021, Astérix, Obélix et Idéfix sont de retour pour une 39e aventure en bande dessinée. Accompagnés de Panoramix, ils s’apprêtent à partir pour un long et mystérieux voyage en quête d’une créature étrange et terrifiante.
Destination : Froid !
Un totem de Griffon planté dans un paysage enneigé, sauvage et apparemment désertique, Astérix aux aguets sur son cheval affichant lui-même un regard inquiet, Idéfix dans tous ses états, appelé par un Obélix troublé… Par Toutatis, où sont donc nos héros ?!?
Promesse d’aventure aux confins du Monde Connu, au pays des Sarmates, l’illustration de la couverture laisse augurer d’un Western transposé dans le grand froid… Didier Conrad, auteur du dessin, nous en dit plus : « C’est un Eastern ! Vous retrouverez dans l’album tous les codes classiques du Western : de grands espaces, des héros venus de loin aider des innocents qui subissent l’arrivée conquérante d’une armée… mais à l’Est ! »
Et le griffon dans tout ça ?
Jean-Yves Ferri nous en dit plus sur l’animal mystère du titre de l’album : « À la recherche du griffon, cet animal mythique dépeint dans des textes d’auteurs grecs antiques, les Romains ne sont pas au bout de leurs surprises ! Le Griffon dans l’album est l’animal-totem d’un Chaman sarmate. Il cristallise un peu l’ignorance des Romains et la manière fantaisiste dont ils imaginent la faune dans un monde, pour eux, encore largement inexploré. Même doté d’un corps de lion et d’une tête d’aigle, le Griffon ne leur parait au départ pas plus improbable que la girafe ou le rhinocéros. Après tout, Jules César a lui-même évoqué la licorne dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules (authentique !) Mais, au fur et à mesure de leur progression aux confins du Barbaricum, le doute va s’insinuer. Leur mentalité de conquérants va alors commencer à faiblir… Surtout qu’Astérix et Obélix (sans oublier Idéfix !) venus en renfort des Sarmates, ne vont pas leur faciliter le voyage ! »

Une expédition en terre sarmate
À l’Ouest de l’Europe, Rome et sa civilisation dominent (même si, bien sûr, un village gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur !). À l’Est, se trouve le Barbaricum, ce vaste territoire inconnu, sauvage et inexploré, qu’occupent des peuples aux noms étranges (du moins du point de vue des Romains !) Parmi eux, LES SARMATES !
Les Sarmates formaient un peuple nomade qui vivait au Nord de la mer Noire du VIIe siècle avant J.-C. jusqu’au VIe siècle de notre ère, remplaçant les Scythes en Ukraine, occupant la plaine hongroise et dominant toutes les steppes entre l’Oural et le Danube. Ce qui fait d’eux les ancêtres des Slaves.
Je voulais suggérer un territoire lointain, une sorte de « royaume sarmate » imaginaire. D’où le choix d’une zone située entre Russie, Mongolie et Kazakhstan. Des traces de sépultures de guerriers nomades ont été retrouvées dans ces régions de l’extrême Est de l’Europe. Et il se trouve qu’un certain Aristée de Proconnèse, poète Grec né vers 600 avant J.-C, y a situé ses étranges récits de voyages. Ça m’a donné l’idée de suivre ses traces et de placer là-bas mon petit peuple sarmate et son folklore de yourtes et de chamans.
Qui étaient les Sarmates ?
D’après Astérix, les peuples antiques expliqués par Bernard-Pierre Molin, éditions EPA (2020) Les Sarmates sont un peuple nomade mentionné pour la première fois au Ve siècle avant, notre ère, par Hérodote ! Peuples guerriers, excellents cavaliers, ils dominaient au début de notre ère toutes les steppes entre l’Oural et le Danube.
Déjà présents dans quelques cases de Astérix et la Transitalique en 2017 (engagé aux côtés d’autres chars dans la course), les Sarmates vivaient dans la steppe et ont combattu les Perses en s’alliant d’abord avec leurs cousins scythes. Ils ont ensuite fait une nouvelle percée pour supplanter ces derniers et dominer une partie de l’Europe centrale au IIe siècle avant notre ère. D’ailleurs, Polonais et Russes revendiquent aujourd’hui un héritage « sarmatique ».
Culturellement et linguistiquement proches des Scythes – tous parlent une langue indo-iranienne –, les Sarmates partagent également leur souci de parité. Ainsi les femmes, vêtues et armées comme les hommes, s’engagent-elles au combat avec grande détermination et fureur. Elles sont à l’origine du mythe des Amazones, tel que décrit par Hérodote.
Les Sarmates ont joué un rôle politique et militaire essentiel en Europe centrale et orientale. Ils furent aussi des acteurs importants des échanges culturels, technologiques, commerciaux et militaires. Admiratifs des techniques de guerre des Sarmates, excellents cavaliers (finalement, les Cosaques sont les héritiers de cette grande tradition de cavaliers soldats), les Romains en engageront certains comme mercenaires, et représenteront même leurs chevauchées sur la colonne Trajane, inaugurée à Rome en 113 après J.-C. Cent ans plus tard, au IIe siècle, les Sarmates des deux sexes seront soumis par les Goths mais se vengeront en soutenant les Huns lorsqu’ils débarqueront.
Le griffon dans l’Antiquité
Par Hélène Bouillon, conservatrice au Louvre-Lens et docteur en égyptologie. Spécialiste des relations entre l’Égypte et le Proche-Orient antiques, elle est actuellement co-commissaire de l’exposition Les Tables de pouvoir et prépare un projet autour des animaux fantastiques.
À quoi ressemble un griffon ? Où retrouve-t-on ses premières traces ?
Le griffon est une créature mythologique entourée de mystère. Et cela fait 5000 ans que ça dure ! Il a le corps d’un lion, possède des serres, des ailes et un bec de rapace. Ses premières traces ont été découvertes en Iran, imprimées dans l’argile : des impressions de sceaux datant d’environ 3500 av. J.-C. En l’absence de textes mythologiques, personne ne connaît la signification exacte de ces images, mais on sait qu’elles circulent car à peu près à la même époque, des lions ailés à tête d’aigles sont aussi représentés en Égypte, sur des palettes à fard sculptées. Les spécialistes pensent – sans certitude – qu’à cette époque le griffon représente les forces brutes de la nature car on le retrouve défilant avec d’autres animaux, soit sauvages (lions, taureaux) soit fantastiques (créatures mi-serpent, mi-panthère).
Sculpture romaine antique en marbre de deux griffons gardant le trésor. © camerawithlegs
Au IIe millénaire avant J.-C., les images du griffon apparaissent au Levant, en Anatolie et à Chypre notamment sur des plaquettes d’ivoire sculptées décorant les trônes et les lits royaux, où on le retrouve en position assise, les ailes désormais déployées, et parés d’une houppette. A la même période, il voyage au gré des échanges commerciaux sur les bateaux cananéens (côtes palestiniennes, syriennes et libanaises), puis au Ier millénaires avant J.-C. avec les Phéniciens et Grecs, ainsi qu’aux alentours de la Mer Noire où il décore les armes et le mobilier des peuples nomades comme les Scythes. Pour les Grecs, les Griffons sont les gardiens des trésors d’Apollon et de Dionysos. A la même époque il est utilisé comme décor de palais chez les Perses Achéménides. On le retrouve aussi sur les trônes et la vaisselle de luxe des Phrygiens et des Lydiens en Anatolie.
Quel est son rôle dans la mythologie, sa symbolique ?
La symbolique du griffon a évolué au gré de ses voyages et de son adoption par des peuples aux civilisations très différentes. Il symbolise à la fois la force (son corps de lion), la vigilance (les yeux perçants de l’aigle) et la férocité (les serres et le bec pointu du rapace). Chez les Égyptiens, il symbolise le roi victorieux, les archéologues l’ont essentiellement retrouvé dans des endroits liés à la sphère royale, à savoir des temples jouxtant les pyramides du IIIe millénaire av. J.-C. Les pectoraux (bijoux en or) du début du IIe millénaire av. J.-C., représentent également le roi sous la forme d’un griffon massacrant les étrangers. C’est finalement du grec que vient notre mot « griffon » (Ve siècle av. J.-C.) qui signifie « le griffu / le crochu ».
Sous quelle forme peut-on le rencontrer, après l’antiquité ? quel est son héritage dans l’art et l’histoire moderne ?
Ce qui est intéressant, c’est que dès les premières traces repérées en Iran, le griffon a toujours la même tête, mais au fur et à mesure de ses pérégrinations, il a tendance à changer de coiffure. Au Ier millénaire avant J.-C., le griffon se pare ainsi d’oreilles pointues, à l’instar des démons mésopotamiens. C’est toujours ainsi qu’il est représenté, dans les Bestiaires du Moyen-Âge. A cette époque et à la Renaissance, il apparaît sur des quelques blasons. Dans des récits de voyages tels ceux de Marco Polo, il est écrit que d’énormes griffons ont été repérés en Inde et en Éthiopie et qu’ils pourraient soulever des éléphants dans leurs serres pour les lâcher ensuite sur le sol avant de les dévorer.
Le point commun entre toutes ces légendes est donc que le griffon est un animal mythologique fort et dangereux, craint et respecté.
Quant à la statue de griffon représentée dans le visuel pour Astérix et le Griffon, elle colle parfaitement à sa représentation au premier millénaire, adoptée par les Grecs et tous les peuples autour de la Méditerranée jusqu’à nos jours, puisqu’il a hérité des petites oreilles pointues. Et, surprise, il semble que nous soyons ici confrontés à la plus grande représentation sculptée connue du griffon !
Astérix et les animaux mythologiques

Au fil des aventures d’Astérix, nos héros ont croisé d’autres créatures fantastiques pour des rencontres toujours hilarantes. En voici une sélection qui donne envie de relire ses albums pour patienter en attendant la sortie d’Astérix et le Griffon !
– De terrifiantes créatures mi-oiseau, mi-chauve-souris dans le film d’animation Les XII Travaux d’Astérix (1976)
– Un dragon peu mélomane dans La Rose et le Glaive (1991)
– Des taureaux ailés et des centaures de l’Atlantide dans La Galère d’Obélix (1996)
– Un elfe grognon dans l’album Astérix et la Rentrée gauloise (2003)
– L’ancêtre du Monstre du Loch Ness dans Astérix chez les Pictes(2013)
– Une licorne pas commode dans Le Papyrus de César (2015)

